À Lyon, ces réunions qui brassent toutes les religions

23/07/2024 -- paru surLyon Positif

Si l’on retrouve, notamment à travers son très riche patrimoine, des traces du christianisme à Lyon depuis plus de 2 millénaires, “la capitale des Gaules “ est depuis toujours reconnue comme une terre d’accueil spirituel et de diversité religieuse. Mais qu’en est-il aujourd’hui de ce dialogue interconfessionnel et comment peut-on le vivre au quotidien ? Est-il encore possible de partager un repas en parlant religion sans tomber dans l’invective et dans le conflit ? Pour le savoir, nous sommes allés à la rencontre de Sophie Louvet, Florence Dècle et Umar Mukose, membres de Coexister Lyon, qui créé des groupes d’amitiés entre les jeunes de 15 à 35 ans de convictions religieuses et spirituelles diverses. Nous avons passé avec eux une soirée empreinte de bienveillance et de fraternité au sein de la communauté Jésuite à l’espace Saint-Ignace, démontrant qu’il est tout à fait possible de partager un repas, une religion, le tout sans conflit.

La fraternité doit retrouver toute sa place

L’aventure commence un midi au détour d’une conversation anodine au Faitout, où nous faisons la rencontre d’Eloi Deschamps, le codirecteur de l’association Coexister France. Nos échanges l’amènent à me conseiller de lire une récente étude réalisée par l’IFOP pour le Labo de la Fraternité. Il y est rapporté que seulement 25 % des Français se montrent naturellement enclins à apporter leur aide à des personnes en difficulté, qu’ils les connaissent ou non. Autre situation préoccupante selon lui dans cette étude, 3 Français sur 4 estiment que la diversité engendre des problèmes, révélant un état d’esprit collectif peu propice à la solidarité.

Pourtant et cela peut sembler assez paradoxal, cette même étude, démontre que plus d’un Français sur deux avoue ressentir de la solitude. C’est d’ailleurs sur la base de ce constat que l’association Coexister à Lyon a décidé de créer des groupes d’amitié entre les jeunes de 15 à 35 ans de convictions religieuses et spirituelles différentes. Pour mieux comprendre ce qui s’y passe concrètement, Eloi nous invite alors à leur prochain rendez-vous.

Laisser une place pour accueillir la différence

Quelques semaines plus tard, il est environ dix-huit heures, lorsque Sophie Louvet, membre de l’association Coexister depuis 5 ans, nous rejoint aux portes de l’Espace Saint-Ignace, l’ancien couvent des Clarisses dans le 2e arrondissement de Lyon. En attendant que l’on nous ouvre la porte, ce qui nous permettra de découvrir ce lieu de conférences, d’accompagnement spirituel et de célébrations qui nous est pour l’instant inconnu, Sophie revient sur son arrivée au sein de l’association. C’est à l’âge de 23 ans que cette jeune femme, de confession chrétienne issue du milieu rural, ressent le besoin impérieux de s’ouvrir à plus de diversité. Dès son arrivée à Lyon, elle découvre par le bouche à oreille, l’existence de cette association qui encourage la création d’amitié entre jeunes de convictions spirituelles et religieuses variées. Séduite par cette démarche, Sophie saisit l’opportunité de s’ouvrir au monde en devenant bénévole, puis responsable de groupe. Aujourd’hui, elle occupe une place essentielle au sein du conseil d’administration de Coexister Lyon.

Dans ses propos Sophie insiste sur une nuance importante pour elle et qui semble faire la différence. Les membres de l’association se reconnaissent comme “interconvictionnels et interspirituels”, c’est-à-dire qu’ils font du dialogue, un outil de l’acceptation de la foi et de construction de la paix, en allant au-delà des processus. C’est cela, selon elle, qui permet de réfléchir la rencontre différemment : “Au début, je ne comprenais pas comment une personne non-croyante pouvait s’intéresser à la religion”. Cette association ouverte aussi bien aux personnes religieuses, athées ou agnostiques est décrite par Sophie comme “une petite bulle de bienveillance” qui existe pour questionner un sujet qui ne relève pas de l’entre-soi, mais bien d’un sujet de société.

Nous sommes alors rejointes par Florence, également membre de l’association, présente dans le comité de pilotage depuis 1 an, au moment où le père Joseph avec un grand sourire nous ouvre les portes.

Des histoires de vie au-delà des préjugés

Nous traversons le hall, accueillant et rempli de nombreuses affiches de leur programme de conférences ouvertes au public. L’une d’entre elles attire notre attention par son titre questionnant : “Écologie et christianisme”. Le père Joseph, tout en nous guidant dans les couloirs, nous explique que, parmi leurs nombreuses missions, il y a l’organisation, tous les mardis, de conférences ouvertes vers l’extérieur, avec les meilleurs experts (chercheurs, des historiens, professeurs) mais aussi des journalistes ou encore des élus… Installés dans la chaleureuse cuisine de l’ancien couvent, Umar, membre de coexister et Damien, novice jésuite, se joignent au reste de la troupe pour commencer les présentations.

Umar, à l’initiative de cette rencontre et familiarisé avec les lieux, prend la parole en premier. Informaticien de formation, il a bénéficié d’un mois d’accueil au sein de la communauté Jésuite grâce au programme JRS Welcome (Jesuit Refugee Service). Ce programme offre un hébergement temporaire et gratuit aux demandeurs d’asile et aux réfugiés au sein d’un réseau national comprenant des familles d’accueil, des colocations, des personnes seules, et des communautés religieuses comme celle-ci.

Présent depuis 7 mois en France, il se félicite d’avoir appris le français avec la Maison Sésame, un tiers-lieu solidaire du Secours Catholique et surtout d’avoir tissé des liens forts avec le père Joseph qu’il considère comme son “ami”, une relation teintée de taquinerie et de complicité. Le père Joseph, actif au sein de l’Espace Saint Ignace depuis 2017, oriente rapidement la conversation vers sa vision des guerres contemporaines, un contexte géopolitique qu’il juge complexe à l’aube de sa retraite en tant que jésuite : “Ne laissez pas l’espoir vous être volé, le pape dit vrai.”

Damien clôture les présentations de chacune et chacun avec le témoignage de son parcours en tant que jésuite novice depuis 1 an et demi et bénévole aux JRS. De son expérience athénienne dans des centres d’hébergement d’urgence à sa rencontre avec Umar au sein de cette communauté, ses expériences dans la solidarité internationale sont plus que prometteuse.

Lutter collectivement pour le “vivre-ensemble”

Dans la seconde partie de la soirée, la petite troupe est invitée à visiter avec le père Joseph les murs de l’Espace Saint-Ignace, avec ses salles de conférences très modernes, sa chapelle récemment rénovée aux fortes tonalités artistiques. Nous avons même le droit d’apercevoir l’espace cantine exclusivement réservé à la communauté, donnant sur un charmant jardin. Le père Joseph profite de la visite pour nous expliquer tous les travaux intellectuels menés par les 17 membres de cette communauté comme la théologie, l’exégèse et l’économie…

Pendant cette excursion, Sophie confie que la visite de lieux de culte est une chance pour elle : “ Sans Coexister, je n’aurai jamais osé pousser les portes de lieux de culte comme la pagode ou la Grande synagogue de Lyon, toute seule”. Elle raconte notamment la visite marquante d’une mosquée, où les textes l’ont profondément émue. Ces écrits, bien qu’issus d’une autre religion, ont résonné en elle et elle mourrait d’envie de le crier au monde. D’autres partagent leur étonnement lors de la visite de Keren Or, un lieu de culte juif, libéral.

Pendant longtemps, Sophie s’est senti impuissante et démunie face aux conflits religieux, aux stigmatisations et à l’absence de diversité. Cependant, elle considère désormais qu’elle contribue de manière concrète, au sein de Coexister, pour le vivre-ensemble, à son échelle et avec ses armes.

En plus de découvrir des lieux de culte, l’association prête main-forte auprès d’associations solidaires locales comme Clean Walker, Règles Élémentaires, maraude avec le secours catholique, travaille avec le Faitout ou l’établissement français du sang, organise la collecte de denrées de première nécessité et fait parfois de la sensibilisation en milieux scolaire : “ Cela nous arrive souvent d’intervenir lorsqu’il y a des cas de violence, et que l’équipe pédagogique est démunie” exprime Sophie. Des interventions rendues possible grâce à la formation sur la communication non-violente proposée aux membres afin que chacun respecte la religion de l’autre.

Les membres de Coexister organisent également des temps de réflexion entre eux qu’ils appellent des “kawa” (cafés discussions) dans des bars ou chez quelqu’un. Une heure pour échanger sur des thématiques toujours liées à la conviction telles que l’alimentation, l’éducation, le genre, la liberté d’expression ou la mort. Ces discussions libèrent souvent des points de vue très personnels ou des témoignages intimes, qui pour certains n’ont même pas été partagés au sein de leur famille.

Les invités au repas de la communauté

À la fin de la visite, place au dîner offert par la communauté. Un menu : une délicieuse tarte au fromage, pâtes, salade de haricots verts, et des crêpes, “un dessert gourmand qui n’est pas au menu tous les soirs” témoigne malicieusement Damien.

Ce repas convivial offre l’opportunité aux membres de l’association de mieux comprendre le quotidien des jésuites, une communauté d’une vingtaine de personnes venues d’horizon divers, aux origines culturelles variées et d’âges différents. Certains sont d’anciens universitaires, d’autres arrivent de Rome ou de Jérusalem, et sont plutôt orientés vers la théorie et l’écriture.

Cette soirée bienveillante et joyeuse, respectueuse et inspirante a créé de belles affinités entre les participants et ouvert la voie à de futurs rendez-vous, prévus dès la rentrée 2024.

C’est la première fois que je trouve une association qui fait vraiment vivre le mot “fraternité” au sens de la définition de l’État Français.”

Sophie Louvet, membre de l’association Coexister France

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