Être « proche aidant » : un combat au quotidien

03/10/2024 -- paru surLyon Positif

En France, 9,3 millions de personnes soutiennent quotidiennement un proche en perte d’autonomie ou en situation de handicap. Pourtant, les réalités des « proches aidants » sont encore méconnues et cette activité n’est pas reconnue comme un statut à part entière. À l’occasion de la journée nationale des aidants, Lyon Positif s’est rendu dans les locaux de l’association Métropole Aidante. Anne, Manon et Pascal, trois aidants aux profils différents, racontent leur quotidien.

Anne est formatrice et exerce en profession libérale. Aidante depuis une trentaine d’années, elle accompagne les personnes de sa famille qui en ont besoin. « Au début, c’est un tsunami, on ne connaît rien. ». Quand sa fille a été diagnostiquée bipolaire, le plus difficile pour elle a d’abord été d’accéder à l’information.

Manon, elle, a 20 ans, son père est atteint de bipolarité. « Je suis aidante, probablement depuis que je suis toute petite. Je me suis construite avec un papa bipolaire, ça change toute l’enfance. ». Si elle s’identifie comme tel aujourd’hui, ce n’est que très récemment qu’elle a découvert ce que signifie être « jeune aidant ». C’est sa rencontre avec l’équipe de l’association La pause brindille, qui a créé le déclic : « Je me suis reconnue tout de suite dans leur définition ». Un mineur sur vingt est jeune aidant en France (chiffres 2021). Comprendre la maladie a été une étape importante pour elle aussi : « On comprend enfin mieux son proche, ses réactions. On met des mots sur des situations et on se dit : quand il se comportait comme ça, ce n’était pas ma faute, c’était à cause de la maladie. ».

Cette culpabilité a rongé Pascal, retraité, les premiers temps, lorsque son épouse est tombée dans un état catatonique. Ce syndrome psychiatrique s’exprime à la fois dans la sphère psychique et motrice. Elle a été hospitalisée et s’en est sortie grâce à la sismothérapie. « Qu’est-ce que j’ai mal fait ? Pourquoi elle est comme ça aujourd’hui alors que deux mois plus tôt tout allait très bien ? ». Pour surpasser son sentiment de culpabilité et répondre à ses questions incessantes Pascal avait besoin d’aide.

Trouver du soutien pour survivre à la maladie

« C’est compliqué au début déjà de prendre sa place, de ne pas trop souffrir. », confie Anne. Même s’ils ne sont pas malades, ces trois proches aidants vivent la maladie au quotidien et cette confrontation peut impacter leur propre santé. Ainsi, en 2024, 48 % des aidants déclarent avoir des problèmes de santé qu’ils n’avaient pas avant d’être aidant.

Par exemple, Manon évoque son stress : « Tout le temps avoir peur qu’il se passe quelque chose, c’est difficile. ». Pascal, lui, parle de la solitude. Il explique que les malades sont soignés, accompagnés, alors que les aidants ne le sont pas systématiquement. « Si quelqu’un ne nous aide pas nous, les aidants, on ne peut pas s’en sortir, c’est impossible. ».

Tous les trois ont trouvé refuge auprès de Métropole Aidante. L’association regroupe l’ensemble des acteurs intervenant dans le champ de l’aide aux aidants sur le territoire de la métropole de Lyon. Grâce à son réseau, ils ont pu assister à des formations, des groupes de parole. Anne est devenue bénévole chez l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) : « Je les ai découverts après une grande traversée du désert qui a durée 7 ans et pendant laquelle je me suis battue toute seule. ».

Pascal précise que ses amis l’ont beaucoup aidé à surmonter les moments difficiles : « Être écouté, c’est le plus important. ». Pour Manon, se confier à ses amis n’est pas évident car « les maladies mentales sont encore taboues ». Son plus gros soutien, elle l’a trouvé auprès de sa sœur. La maladie a renforcé leur relation.

Anne, quant à elle, ne parle pas nécessairement de son rôle de proche aidante avec ses amis. Elle profite des moments passés avec eux comme une échappatoire. « Je leur demande de me faire rire. J’ai besoin de légèreté. Ce qui aide, c’est de ne plus entendre parler de la maladie l’espace d’un instant. ».

Le statut d’aidant, l’espoir d’un meilleur fonctionnement

Malgré l’aide de leurs proches, du personnel médical et des associations, les aidants font face à des difficultés pratiques. Anne, en profession libérale, raconte qu’elle ne travaillait presque plus pour aider sa fille. « J’ai décalé mon travail, jusqu’à une période où je suis allé jusqu’à l’épuisement. ».

Aujourd’hui, il existe des aides, comme le congé proche aidant qui permet de suspendre ou réduire temporairement son activité professionnelle. Il s’obtient malgré tout dans certaines conditions et demande de remplir des dossiers administratifs complexes. « Quand c’est une question de vie ou de mort pour la personne que tu aides, tu ne penses pas en premier lieu à remplir un dossier administratif pour demander des aides financières. » explique Anne. L’accompagnement dans les démarches administratives est la deuxième demande la plus importante reçue par l’association Métropole Aidante.

Manon évoque le don de RTT, le fait d’offrir des jours de repos à un collègue qui aide un proche dépendant. Ce fonctionnement est limité, selon elle. Il nécessite d’abord d’accepter de parler de sa situation à ses collègues de travail. Aujourd’hui, seuls 25 % des employés osent informer leur manager de leur situation de proche aidant, par manque de confiance ou par peur d’être stigmatisés.

À terme, Anne, Manon et Pascal souhaiteraient qu’un statut d’aidant soit créé. Il permettrait d’être reconnu et identifié par le monde médical, de connaître la diversité des profils et de les aider à adapter leur quotidien au travail, à domicile et par une aide psychologique.

Malgré ces difficultés, les embûches administratives ou les coups de mou fréquents, tous soulignent les aspects positifs et enrichissants d’’être un « proche aidant ». Anne raconte avoir remis le curseur « sur l’essentiel ». Émue, elle ajoute : « J’ai beaucoup grandi. J’ai plus grandi que j’ai souffert ». Pascal retient l’importance de l’entraide, son envie d’accompagner d’autres personnes dans sa situation. Manon décrit sa motivation pour s’engager, « pour aider les personnes vulnérables, fragiles. ».

Vendredi 04 octobre, les 180 membres de l’association Métropole Aidante se réunissent pour la Journée Nationale des aidants de 10h à 18h. Le grand public pourra découvrir l’offre de répit et de soutien aux aidants existante au sein de la métropole de Lyon. L’occasion d’informer sur les réalités des proches aidants pour les soutenir dans leur quotidien. Toutes les informations pratiques sur : www.metropoleaidante.fr

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